Nouvelle Position de l’Académie de Nutrition et Diététique sur les Régimes Végétariens et Végétaliens

Une Étude Complète de Plus de 2 Ans

L’Academy of Nutrition and Dietetics a récemment publié un document de position intitulé «Vegetarian Dietary Patterns for Adults: A Position of the Academy of Nutrition and Dietetics». Ce document offre un aperçu des recherches récentes concernant les régimes végétariens et végétaliens, mettant en lumière les aspects nutritionnels et les bénéfices potentiels de ces modes alimentaires.

Les points clés sont les suivants:

  • L’Académie de nutrition et de diététique estime que, chez les adultes, des régimes alimentaires végétariens et végétaliens bien planifiés peuvent être adéquats sur le plan nutritionnel et offrir des avantages à long terme pour la santé, tels que l’amélioration de plusieurs problèmes de santé associés aux maladies cardiométaboliques. Les régimes alimentaires végétariens excluent la viande, la volaille et les fruits de mer, et les régimes alimentaires végétaliens excluent tous les aliments d’origine animale. 
  • Les diététistes-nutritionnistes agréés (RDN) et les techniciens en nutrition et en diététique agréés (NDTR) jouent un rôle clé en fournissant des conseils basés sur des données probantes et des stratégies de planification des repas aux personnes intéressées par les régimes végétariens et végétaliens. Il est essentiel pour ces professionnel-les de comprendre les motivations, les évolutions démographiques, les pratiques culturelles et les innovations alimentaires afin de créer et d’appliquer des interventions nutritionnelles adaptées. Les RDN peuvent collaborer avec leurs patient-es pour concevoir des régimes alimentaires personnalisés qui sont équilibrés sur le plan nutritionnel et respectueux des besoins culturels. Cela permet de maximiser les bienfaits pour la santé tout en tenant compte des préoccupations liées aux éventuelles carences nutritionnelles. Les motivations des adultes à adopter ces régimes sont diverses et souvent très personnelles.

Ce document représente une ressource utile pour les professionnel-les de la santé, fournissant des informations sur les avantages et les risques potentiels d’un régime végétarien ou végétalien, ainsi que sur les micronutriments susceptibles de poser problème et d’autres sujets pertinents. 

image du site eatright.org

L’académie souligne l’importance de privilégier la qualité de l’alimentation en insistant sur deux points principaux :

A) Il est recommandé de consommer une variété d’aliments complets, riches en nutriments, qui apportent des vitamines, des minéraux, des fibres et des phytonutriments essentiels.

B) En limitant la consommation d’aliments hautement transformés, souvent riches en graisses saturées, en sodium, en glucides raffinés et en sucres ajoutés, les individus peuvent contribuer à améliorer et à maintenir leur santé cardiométabolique.

Mais il est vrai aussi que les alternatives végétales au lait et à la viande, bien que transformées, ont tendance à contenir plus de fibres et à être plus faibles en graisses saturées et en cholestérol par rapport aux produits d’origine animale. Cela peut potentiellement avoir des effets bénéfiques sur la santé cardiaque.

L’indice de régime à base de plantes (PDI) est un outil standardisé permettant d’évaluer la relation entre l’accent mis sur les aliments d’origine végétale et la limitation ou l’évitement des aliments d’origine animale, ainsi que leurs impacts sur la santé. Le score PDI dit sain (hPDI) se concentre sur les aliments entiers comme les fruits, légumes, grains entiers et huiles insaturées, tandis que le score PDI dit malsain (uPDI) inclut des aliments moins sains comme les céréales raffinées et les boissons sucrées. Des scores hPDI plus élevés sont associés à un risque réduit de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et d’obésité, ainsi qu’à un microbiote intestinal diversifié, qui joue un rôle dans la santé métabolique et immunitaire.

L’académie précise aussi qu’un régime végétarien ou végétalien équilibré devrait respecter, tout comme les modèles omnivores,  les directives diététiques pour les Américains ( Dietary Guidelines for Americans) concernant les macronutriments à considérer (des glucides issus d’aliments complets, une variété de protéines végétales, et de mettre l’accent sur les acides gras insaturés via les oléagineux et les huiles telles que noix, lin, olives): 

  • Au sujet des protéines végétales, elles contiennent tous les acides aminés essentiels (EAA) nécessaires au corps. Bien qu’elles puissent être faibles en certains EAA spécifiques, tels que la lysine et la méthionine, cela n’est généralement pas une préoccupation majeure pour la majorité des individus. Une alimentation variée et équilibrée peut souvent fournir un apport adéquat en ces acides aminés. Historiquement, les recommandations alimentaires ont souvent privilégié les protéines animales pour la santé et la forme physique. Cependant, des recherches récentes montrent que les protéines végétales peuvent également être efficaces pour la force musculaire et osseuse, notamment chez les individus actifs, les athlètes et les adultes vieillissants à risque de sarcopénie. Pour ces groupes, un apport d’au moins 1,5 g de protéines végétales par kilogramme de poids corporel par jour ne semble pas nuire à la synthèse protéique musculaire ni aux gains en hypertrophie et en force.
  • Concernant les aliments à base de soja, ce dernier est considéré comme une protéine de haute qualité, il a un profil d’acides aminés essentiels similaire à celui des protéines animales. Des études suggèrent que la protéine de soja peut améliorer les adaptations musculaires, la performance lors de l’exercice, réduire le cholestérol LDL et avoir des effets bénéfiques sur la santé cardiométabolique. La consommation de lait de soja et de tofu est particulièrement associée à ces bénéfices.
  • L’EPA et le DHA peuvent être obtenus par le biais de suppléments d’algues végétaliens, si cela est souhaité ou recommandé par un-e professionnel-le de la nutrition. Cependant, cela n’est pas nécessairement requis pour la prévention des problèmes de santé. Des études isotopiques récentes indiquent que le taux de conversion de l’ALA peut être suffisant pour maintenir des niveaux adéquats de DHA grâce à la consommation exclusive d’ALA d’origine végétale, bien que d’autres recherches soient nécessaires pour confirmer ces résultats. En l’absence de preuves solides sur les doses d’EPA et de DHA pour les végétariens et les végétaliens, il est conseillé aux adultes en bonne santé de privilégier des aliments riches en ALA, qui offrent également des phytonutriments et des fibres bénéfiques. 

Lors d’un régime végétarien ou végétalien, certains micronutriments peuvent nécessiter une attention particulière. Parmi ceux-ci, on trouve la vitamine B12, l’iode, le fer, la choline et la vitamine D. De plus, le calcium peut également poser problème pour les végétaliens. L’académie rappelle qu’il est donc important de réaliser une évaluation individuelle de l’apport alimentaire, de l’état clinique et des indices biochimiques avant de formuler des recommandations spécifiques concernant les suppléments: 

  • Pour garantir un apport adéquat en calcium, il est conseillé aux végétariens, et particulièrement aux végétaliens, de consommer au moins 2 à 3 portions quotidiennes d’aliments riches en calcium et ayant une bonne biodisponibilité. Cela inclut des options comme le lait de soja enrichi en calcium, d’autres alternatives de lait végétal enrichi, des légumes à feuilles vertes foncées, des crucifères comme le chou frisé, du tofu et du jus d’orange enrichi en calcium. Il est à noter que la biodisponibilité du calcium peut être influencée par des composés tels que le phytate et l’oxalate.
  • Pour améliorer les apports en choline, il est recommandé à ces groupes de consommer quotidiennement une variété de noix, de légumineuses, de produits à base de soja, de céréales et de germes de blé.
  • Pour améliorer leur statut en iode, les végétaliens peuvent envisager d’ingérer du sel iodé, de prendre des suppléments d’iode, ou de consommer des algues et des flocons d’algues, ainsi que du pain à base d’iodate de potassium ou d’iodate de calcium. Il est également important d’éduquer les gens sur l’utilisation appropriée des algues brunes pour éviter un apport excessif en iode. 
  • Les femmes végétariennes préménopausées présentent une prévalence élevée de carence en fer, définie par des niveaux de ferritine inférieurs à 30 µg/L. Ces femmes pourraient bénéficier de l’utilisation d’un supplément de fer. Sur la base de preuves faibles, Le National Institutes of Health recommande que les végétarien-nes et les végétalien-es consomment presque deux fois la quantité recommandée de fer, en raison d’une absorption réduite liée aux phytates présents dans les aliments végétaux. Il est conseillé d’associer des aliments riches en fer avec des sources de vitamine C pour améliorer l’absorption et de limiter les aliments et boissons qui inhibent cette absorption (café, épinards).
  • L’utilisation de suppléments de vitamine B12 est souvent considérée comme une méthode efficace pour maintenir un statut adéquat en B12 dans ces populations. L’apport alimentaire en vitamine B12 peut être suffisant grâce à la consommation de lait, de produits laitiers et d’œufs, qui peuvent fournir des quantités conformes aux apports alimentaires recommandés (américains) Cependant, pour prévenir la carence et l’insuffisance en vitamine B12, un apport plus élevé pourrait être nécessaire, notamment chez les végétaliens et les végétariens âgés. Cette considération souligne l’importance de surveiller l’apport en vitamine B12 dans ces groupes.
  • Les données provenant de grandes études de cohorte indiquent également une incidence élevée de carence ou d’insuffisance en vitamine D chez les végétariens, y compris les végétaliens. Bien que certains produits laitiers et certaines marques de laits végétaux et de jus de fruits soient enrichis en vitamine D, il est peu probable que l’apport habituel de ces boissons permette d’atteindre les apports journaliers recommandés en vitamine D. Les recommandations de la Société endocrinienne suggèrent la supplémentation en vitamine D pour ces populations.
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L’académie s’attache également à développer d’autres points d’intérêts comme:

  • Les alternatives végétales: Certaines peuvent effectivement contenir des niveaux élevés de sodium, de graisses saturées, ainsi que divers additifs et conservateurs, ce qui souligne l’importance d’une évaluation attentive de leur composition nutritionnelle. Toutefois, bien que ces alternatives, y compris les laits végétaux, sont souvent classées comme des aliments ultra-transformés, elles n’ont pas été associées aux mêmes effets négatifs sur la santé que d’autres catégories d’aliments ultra-transformés, comme les sodas ou certains produits animaux. De plus, elles peuvent fournir des nutriments essentiels comme la vitamine D, la vitamine B12, le calcium et le fer. Il existe donc des opportunités pour améliorer la qualité nutritionnelle et la formulation de ces produits afin de mieux répondre aux besoins des gens. Encore une fois l’académie en profite pour souligner l’importance du rôle des RDN qui peuvent encourager une consommation modérée, la lecture des étiquettes pour des informations nutritionnelles et défendre des versions plus saines de ces alternatives. Une approche qui aide à faire des choix éclairés et à intégrer des alternatives végétales de manière bénéfique dans leur alimentation.
  • La prévention et la gestion de certaines maladies chroniques: pour les personnes qui n’ont pas encore adopté un régime végétarien ou végétalien, il est pertinent pour les RDN de discuter des avantages potentiels de ces régimes, comme la réduction des risques de maladies cardiovasculaires, d’obésité et de diabète de type 2. Il faudra cependant aborder les préoccupations éventuelles, notamment le risque de carences nutritionnelles et considérer les besoins spécifiques de différentes populations, les personnes généralement en bonne santé ou les personnes âgées, qui peuvent avoir des besoins nutritionnels particuliers; ainsi que les conditions médicales existantes, pour garantir la sécurité et l’efficacité du régime.
  • L’intégration d’habitudes alimentaires végétariennes et végétaliennes dans le cas des soins ambulatoires de maladies cardiométaboliques ou présentant des facteurs de risque: la restriction des produits d’origine animale seule peut ne pas atténuer les risques. Il est essentiel de privilégier des aliments végétaux qui ont montré des effets bénéfiques sur la santé cardiométabolique. Parmi ceux-ci, on trouve le soja, les légumineuses, les noix, ainsi que des aliments riches en fibres visqueuses, en stérols végétaux, et en graisses monoinsaturées. Une variété de fruits et légumes, riches en phytonutriments et en antioxydants, devrait également être incluse dans ces régimes. En outre, la qualité de l’alimentation végétarienne ou végétalienne doit être évaluée, en prenant en compte les éventuels besoins en suppléments nutritionnels pour prévenir les carences, notamment en vitamine B12. Cette évaluation doit être réalisée sur une base individuelle, en tenant compte de l’apport alimentaire actuel, des signes et symptômes de carence, ainsi que des résultats d’analyses biochimiques lorsque cela est nécessaire. Les RDN peuvent jouer là encore un rôle clé en aidant les patient-es à intégrer progressivement ces habitudes alimentaires, en fournissant des conseils pratiques et en abordant les préoccupations clés.
  • L’intégration de régimes végétariens et végétaliens dans le cadre des soins aux patient-es hospitalisé-es: en offrant des options alimentaires variées et en tenant compte des préférences culturelles et religieuses des patient-es, les hôpitaux peuvent contribuer à une approche plus globale des soins de santé. En outre, les données issues de nombreux hôpitaux ayant élargi leurs options alimentaires pour inclure des repas végétariens et végétaliens, indiquent que l’introduction de ces options alimentaires n’affecte généralement pas la satisfaction des patient-es ni n’augmente le gaspillage alimentaire. De plus, les coûts des repas végétariens peuvent être similaires à ceux des repas non végétariens, voire légèrement moins élevés. Cela suggère que les établissements de santé peuvent adopter ces pratiques sans compromettre la qualité ou la rentabilité des services alimentaires.
  • Chez les seniors: les régimes alimentaires végétariens peuvent présenter des avantages, notamment en ce qui concerne la longévité et la réduction de certains risques de santé comme le déclin cognitif, la démence et la dépression, ainsi qu’à une meilleure densité minérale osseuse. Cependant, il est essentiel de prêter attention à l’adéquation nutritionnelle pour cette population, car des préoccupations subsistent notamment pour l’apport en protéines qui joue un rôle important dans le maintien de l’état de santé des personnes âgées. Les RDN peuvent aussi jouer un rôle de soutien pour aider les personnes âgées à accéder à ces repas. 
  • L’insécurité alimentaire: bien que le régime végétarien soit souvent plus coûteux, des recherches suggèrent qu’un régime végétalien pourrait être moins cher que ceux incluant des produits d’origine animale. Cependant, des obstacles comme les prix des denrées alimentaires, les subventions pour les aliments d’origine animale, l’accès limité à des aliments sains, et les contraintes de temps et d’équipement compliquent l’adoption de ces régimes. Les RDN ainsi que des programmes de nutrition via les banques alimentaires peuvent aider à surmonter ces défis, car une alimentation saine à base de plantes pourrait réduire les risques de mortalité, en particulier pour les populations défavorisées.
  • Les pratiques culturelles diversifiées: la prestation de soins de santé de haute qualité pour une population croissante et culturellement diverse exige que les RDN soutiennent et conçoivent des interventions diététiques sensibles à la culture et centrées sur le patient. À mesure que les environnements alimentaires évoluent, les pratiques alimentaires culturelles, y compris les régimes à base de plantes, peuvent être affectées. De plus, des facteurs tels que les prédispositions génétiques, le stress chronique, des comportements de style de vie acculturés et la sédentarité peuvent compliquer la situation. Une compréhension du contexte psycho-socio-culturel des patient-es est primordiale pour promouvoir des choix alimentaires nutritifs et adaptés à leurs cultures.

L’académie termine son analyse en ne manquant pas de souligner la nécessité de mener des recherches supplémentaires de haute qualité. Il existe de nombreuses lacunes dans l’étude des avantages pour la santé et des préoccupations liées aux habitudes alimentaires végétariennes et végétaliennes chez les adultes, en particulier en ce qui concerne la prévention, le traitement et la gestion des maladies. Par ailleurs, aucune des revues systématiques examinées n’a abordé les associations entre ces régimes et l’incidence de l’hypertension, du surpoids/obésité ou de l’infarctus du myocarde.

Il existe également un manque de recherches récentes sur les choix alimentaires ainsi que sur les facteurs d’accessibilité et d’abordabilité des aliments végétariens et végétaliens. D’autres sujets à explorer incluent l’utilisation de suppléments, les apports nutritionnels et l’état de santé des différents types de régimes végétariens, tels que le végétalisme, le lacto-végétarisme et le lacto-ovo-végétarisme, aux États-Unis.

Marie Gabrielle DOMIZI, Diététicienne et membre du Conseil Scientifique de l’ONAV


Traduction de la position en français, par Dr Sébastien Demange :

Abstract (en anglais) : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/39923894/

Publication complète (en anglais) : https://www.jandonline.org/article/S2212-2672(25)00042-5/pdf

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