Une étude1 récemment publiée dans la revue Environmental Science & Policy a mis en lumière une opération d’influence menée par l’industrie de la viande, qui aurait des répercussions sur la politique agricole européenne. Ce travail de recherche se concentre en particulier sur la « Déclaration de Dublin », un manifeste signé par plus de 1200 personnes, qui prétend s’appuyer sur des preuves scientifiques pour soutenir la consommation de viande.
Controverses autour de la Déclaration de Dublin
En octobre 2022, lors d’un Sommet international sur le rôle sociétal de la viande organisé en Irlande, des chercheurs du monde entier ont publié une tribune intitulée « La Déclaration de Dublin »2 sur un site internet dédié. Ce document a suscité des critiques, notamment en raison de sa tendance à minimiser les impacts de la surconsommation de viande, en particulier dans les pays riches, ainsi que pour sa vision de l’élevage industriel.
Cette nouvelle étude vient mettre en lumière des préoccupations supplémentaires concernant cette déclaration. L’étude souligne l’existence de conflits d’intérêts entre certains auteurs de la Déclaration de Dublin et l’industrie de la viande, allant au-delà de simples rémunérations directes et indirectes. Elle indique que des ressources ont été mises à disposition par l’industrie pour la production et la promotion de cette déclaration. Les preuves scientifiques citées dans le manifeste proviendraient d’une revue, Animal Frontiers, qui pourrait être influencée par l’industrie de la viande. De plus, des financements ont été alloués pour divers événements de mise en réseau et d’influence visant à diffuser ces travaux.
Opposition au consensus scientifique
Les positions avancées dans la Déclaration de Dublin sont jugées en contradiction avec le consensus scientifique établi, notamment avec les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). C’est pourquoi cette nouvelle étude menée par des chercheurs du CNRS et d’autres instituts scientifiques européens et américains a examiné le contenu du manifeste. Elle suggère que l’opération de lobbying associée à la Déclaration de Dublin pourrait avoir influencé certaines décisions au niveau européen, soulevant ainsi des questions sur l’intégrité des processus décisionnels dans le domaine de l’agriculture.
Il existe des preuves solides indiquant que le passage à une alimentation végétale est souvent considéré comme l’un des leviers les plus efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le Haut Conseil pour le Climat, dans son dernier rapport, estime qu ‘ atteindre une réduction de 50 % des émissions agricoles d’ici 2050 nécessiterait une diminution d’au moins 30 % de la consommation de protéines animales. Par ailleurs, un rapport récent publié par le magazine Lancet souligne que plus de 60 % des émissions de gaz à effet de serre générées par le système alimentaire proviennent de la production de viande rouge et de produits laitiers dans les pays riches.
Appel à la transparence
Cette situation a déclenché des discussions sur la transparence et l’intégrité scientifique dans l’élaboration des politiques publiques. Bien que des conflits d’intérêts dans la recherche ne soient pas inhabituels, leur accumulation et leur ampleur dans ce cas soulèvent des préoccupations. Il est important de rendre ces conflits d’intérêts visibles et accessibles au public. De plus, il est essentiel que les décisions politiques reposent sur des preuves scientifiques solides et indépendantes pour garantir la transparence et l’intégrité dans la formulation des politiques publiques.