(photo AFP)
Ce 16 octobre, qui coïncide avec la journée mondiale de l’alimentation, invite à examiner les liens entre les trajectoires professionnelles et familiales des femmes et des hommes, ainsi que l’influence des conceptions des relations de genre et des dynamiques économiques du capitalisme.
La récente annonce d’une procédure de faillite de l’entreprise Tupperware1 soulève des questions pertinentes à cet égard. Bien que Tupperware ait popularisé des contenants alimentaires et des ustensiles, l’entreprise visait principalement à soutenir les femmes dans leur rôle de ménagères, tout en jouant sur leur besoin de reconnaissance sociale. Cette approche a suscité des critiques selon lesquelles les femmes pouvaient se retrouver engagées dans une dynamique qui, bien que promettant une forme d’émancipation, pouvait également les desservir.
Le modèle commercial de Tupperware, qui a favorisé son essor dans le passé, semble finalement également avoir joué un rôle dans sa chute. Cette situation s’explique par une incapacité à s’adapter aux évolutions du marché, telles que la diminution de l’attrait pour le plastique et la montée des ventes en ligne, qui ont surpassé les ventes directes.
Tupperware a aussi créé, peut-être sans en avoir conscience, des espaces de sociabilité pour les femmes. Cette dualité entre succès commercial et défis contemporains illustre les complexités des dynamiques de marché et des interactions sociales. L’expérience Tupperware a probablement contribué à souligner les tensions entre les rôles stéréotypés associés aux femmes et leurs aspirations personnelles, soulignant ainsi les différentes manières dont ces éléments peuvent interagir et influencer les choix individuels. En effet, ce n’est pas uniquement la recherche d’un complément financier qui à motivé leurs clientes, mais aussi le désir de sortir de chez soi, de ne pas rester enfermées avec les enfants, et de gagner en indépendance.
Les chercheuses Delphine Naudier (Sociologue de la culture et du genre, directrice de recherche CNRS) et Catherine Achin (professeure de science politique à l’université Paris Dauphine, spécialisée sur les questions de genre en politique dans une perspective comparée) ont étudié2 ce phénomène, soulignant comment les réunions Tupperware ont pu être parfois perçues comme une réappropriation de sa destinée. Le système de vente en réunion exclusivement réservé aux femmes a permis un espace de réflexion sur les enjeux de genre et les aspirations individuelles, dans un contexte socioculturel donné, et a pu favoriser l’émergence d’idées féministes et contribuer à une réflexion collective sur leurs rôles et leurs aspirations. Cette dynamique illustre comment des échanges finalement informels peuvent engendrer des discussions sur des thématiques sociales et de genre.
Évoquer ce sujet au sein d’une association dédiée aux alimentations végétales peut sembler déconnecté de sa mission principale. Cependant, il est important de noter que les inégalités sont souvent imbriquées, avec des dimensions sociales et raciales qui influencent les expériences individuelles. Cette imbrication entre conscience de genre et de classe peut varier en fonction des parcours personnels. Il est également indispensable de reconnaître que les inégalités ne se manifestent pas de manière isolée, mais sont interconnectées, affectant divers aspects de la vie, y compris les choix alimentaires.
En explorant et en communiquant sur ces relations, l’ONAV cherche aussi à mieux comprendre les dynamiques sociales qui influencent les comportements alimentaires et à promouvoir des pratiques inclusives et équitables dans le cadre de son engagement en faveur des alimentations végétales.
Marie Gabrielle DOMIZI, Diététicienne et membre du Conseil Scientifique de l’ONAV
- source AFP ↩︎
- https://doi.org/10.4000/clio.9238 ↩︎