Virginie Bach est diététicienne-nutritionniste et membre du conseil scientifique de l’ONAV.
1/ Bonjour Virginie, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis diététicienne libérale dans la région de Colmar en Alsace.
Une de mes principales spécialités de consultation concerne les alimentations végétales (végétalisme) et à dominante végétale (végétarisme, flexitarisme) : j’accompagne ainsi des patient·es de tout âge qui souhaitent végétaliser leur alimentation, qui ont besoin d’un suivi pour gérer une grossesse, une pathologie précise dans le cadre d’une alimentation végétarienne ou végétalienne, etc. Je me suis également spécifiquement formée à la prise en charge diététique des patients atteints du syndrome de l’intestin irritable.
Je suis membre du conseil scientifique de l’ONAV depuis 2 ans, avec plusieurs autres professionnel·les de santé spécialisés dans les alimentations végétales.
À l’intersection de ces deux champs de compétences, j’interviens au sein du DU « Alimentations végétariennes » de la Sorbonne pour un cours intitulé « Alimentations végétariennes et syndrome de l’intestin irritable ».
Depuis octobre 2022, je propose en e-learning via le Centre de Formation Diététique et Comportement (CFDC) une formation complète sur les alimentations majoritairement végétales, spécialement construite pour répondre aux besoins des professionnel·les de santé (diététiciens et médecins).
2/ On entend régulièrement que la formation de diététicien·ne est peu adaptée aux enjeux actuels de végétalisation de l’alimentation. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En effet…Voici quelques pistes qui, de mon point de vue, permettent d’expliquer pourquoi le sujet des alimentations végétariennes est globalement très peu traité au cours de la formation initiale des diététicien·nes en France :
- La formation de diététicien·ne est relativement courte en France puisqu’elle n’est que de 2 ans (BTS diététique ou DUT génie biologique) après l’obtention du baccalauréat ; alors qu’elle dure 3 ou 4 ans dans d’autres pays européens ou en Amérique du Nord. C’est pourquoi l’enseignement en France est très généraliste, de manière à pouvoir traiter de façon condensée l’ensemble des connaissances théoriques requises pour exercer ce métier.
- Alors que les contenus actuels des enseignements traduisent des connaissances et des problématiques datant d’il y a plusieurs années voire de plusieurs dizaines d’années, la végétalisation de l’alimentation représente une tendance sociétale plutôt récente, surtout observée chez les plus jeunes générations. Ces changements alimentaires de fond, liés à une prise en compte croissante des enjeux écologiques et d’éthique animale, ne sont pas encore intégrés aux formations diététiques initiales en France.
3/ Vous qualifiez la récente végétalisation de l’alimentation comme un mouvement sociétal de fond, pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?
Malgré l’existence de plusieurs sondages à ce sujet en France, il reste difficile de quantifier précisément la proportion de personnes adoptant aujourd’hui une alimentation végétalienne, végétarienne ou flexitarienne ; les chiffres pouvant varier fortement en fonction de la façon dont les questions sont posées. Mais une chose apparaît clairement : on observe depuis quelques années une végétalisation nette de l’alimentation des Français. Cette tendance est encore plus marquée chez les adultes de moins de 25 ans qui pourraient comporter plus de 10 % de végétariens.
Mais surtout, lorsqu’on interroge les Français sur leur consommation alimentaire future, une proportion non négligeable d’entre eux se projette vers une alimentation plus végétalisée. Par exemple, 11 % des omnivores envisagent de devenir flexitariens ou pesco-végétariens dans un avenir proche. Autre exemple parlant, 18 % des actuels flexitariens projettent d’adopter une alimentation pesco-végétarienne, végétarienne ou végétalienne.
4/ Pouvez-vous nous présenter la formation que vous proposez aujourd’hui avec le Centre de Formation Diététique et Comportement ? À quels besoins répond-elle ?
Comme évoqué précédemment, les formations initiales dispensées en France traitent de façon très incomplète et superficielle le sujet des alimentations végétales. Afin de répondre au nombre croissant de patient·es optant pour ces alimentations, les professionnel·les de la diététique souhaitant se former peuvent être confrontés à divers problèmes : des données difficilement accessibles, pas toujours fiables ni complètes, et qui peuvent même entrer en contradiction les unes avec les autres. Dans une telle situation, le ou la diététicien·ne peut se trouver relativement démuni·e pour gérer la prise en charge de façon efficace et adaptée.
C’est précisément pour éviter ces écueils que la formation que je propose a été construite. Elle se veut à la fois scientifiquement exigeante (elle s’appuie sur un examen approfondi des publications scientifiques les plus récentes) et pratique (elle comporte notamment des cas cliniques et des ressources diverses pour les professionnels et les patients). Intégralement en e-learning, elle compte 13 heures d’enregistrement pour un temps d’investissement personnel estimé à environ 25 heures. Elle est réservée aux diététicien·nes et médecins.
5/ Parmi les connaissances scientifiques que vous abordez dans la formation, avez-vous un exemple que vous souhaitez partager ici ? Comment cela se traduit-il dans la prise en charge clinique des populations végétariennes ?
La vitamine B12 représente le nutriment à surveiller en priorité lorsqu’on végétalise son alimentation car seuls les aliments d’origine animale constituent des sources fiables de cette vitamine.
Cette information est aujourd’hui souvent connue des personnes adoptant une alimentation végétalienne pour qui la complémentation commence à être largement conseillée et adoptée. En revanche, la pertinence d’une telle complémentation pour les végétarien·nes et certains flexitarien·nes ayant fortement réduit leur consommation de viande, poisson et produits laitiers est beaucoup moins connue. Il est vrai que, pour ces derniers, les réserves corporelles en vitamine B12 permettent souvent d’éviter l’état de carence pendant plusieurs mois, mais les choses peuvent devenir critiques après une ou plusieurs années.
C’est pour cela qu’il est important quand on reçoit ces profils de patients d’évaluer la fréquence et la quantité de produits animaux encore consommés et, si besoin, de les orienter vers une complémentation en vitamine B12, en concertation avec un médecin. Comme il n’existe pas de risque d’excès d’apports en vitamine B12 et que le coût d’une telle complémentation est particulièrement modique (à partir de 2 euros par an), cette mesure apparaît sans risque et accessible au plus grand nombre.