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Santé, climat, biodiversité : ce que la loi Duplomb met en danger

Derrière la loi Duplomb : le vrai coût d’un modèle agricole dépassé.

A l’heure où il devient vital de prendre enfin en considération les aspects environnementaux de nos systèmes de production agricole, la loi Duplomb suscite de vifs échanges au sein de la sphère politique, mais aussi au sein de la société civile. Il y est question d’autoriser l’utilisation de plus de pesticides encore, mais aussi de faciliter l’implantation de méga-bassines et d’augmenter encore la taille des élevages d’animaux destinés à être consommés. Bref, cela vient ruiner tout espoir de voir un jour adoptées des mesures visant à développer des systèmes agricoles durables…

Et pourtant… face à cette menace, certain·es réduisent les enjeux de la loi Duplomb au seuls pesticides (occultant au passage les nombreux autres aspects problématiques), de réduire les effets des pesticides aux seuls effets sur les humain·es (balayant d’un revers de main leur impact environnemental et leurs effets sur les autres animaux), et de clamer avec assurance que les pesticides n’ont aucun effet néfaste sur la santé humaine.

Or, pour ne répondre qu’à ce dernier point, rien n’est moins sûr… Les travaux de l’INSERM à ce sujet par exemple (https://www.inserm.fr/expertise-collective/pesticides-et-sante-nouvelles-donnees-2021/), montrent bien qu’il est déraisonnable, en l’état actuel de nos connaissances, de conclure à l’innocuité totale des pesticides. Des liens conséquents ont en effet été établis entre certains pesticides et certaines maladies graves (cancers, maladies neurodégénératives, maladies respiratoires…), ce qui devrait amener à faire preuve d’une grande prudence lorsqu’il est question d’élargir encore la gamme des pesticides autorisés.

De plus, comme rappelé par le rapport du HCSP : « D’après une étude réalisée en 2022, les coûts sociaux des pesticides de synthèse en France représenteraient 372 millions d’euros » (Alliot C, Mc Adams-Marin D, Borniotto D, Baret PV. The social costs of pesticide use in France. Front Sustain Food Syst).

Au delà des risques inhérents à cet aspect précis de la loi Duplomb, la confiscation de l’eau à travers les méga-bassines et l’augmentation de la taille des élevages intensifs devraient nous conduire à nous opposer à cette législation, qui va clairement à l’encontre de ce dont nous aurions besoin pour assurer notre souveraineté alimentaire de manière durable.

Pour ce qui concerne l’augmentation de la taille des élevages, nous devrions notamment craindre des conséquences environnementales désastreuses, l’élevage étant déjà une des principales activités humaines source de gaz à effet de serre et étant responsable de 59 % des émissions liées à l’activité agricole en France (https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat/fr/14-emissions-de-ges-liees-a). Par ailleurs, l’augmentation de la taille des élevages fait aussi augmenter le risque de conséquences sanitaires graves, notamment en termes d’antibiorésistance et de maladies zoonotiques.

Sans même avoir besoin d’évoquer les questionnements éthiques liés à l’intensification de l’élevage, l’augmentation de la production de produits d’origine animale via des élevages toujours plus grands n’envoie pas les bons signaux à la population, puisqu’il est en parallèle recommandé de revoir à la baisse notre consommation de tels aliments, notamment pour des raisons environnementales et de santé. La consommation de viande et autres produits d’origine animale pèse en effet très lourd dans le bilan environnemental de nos assiettes, que ce soit en termes d’émissions de gaz à effet de serre ou bien encore d’utilisation des sols, d’utilisation d’eau, de pollution des cours d’eau (eutrophisation) et d’impact sur la biodiversité (https://ourworldindata.org/environmental-impacts-of-food). Pour ce qui est de l’impact sur la santé, végétaliser nos repas permet de minimiser le risque de développer certaines maladies, notamment le diabète de type 2 et les pathologies cardiovasculaires. Dans une perspective « one health », la mise en œuvre de systèmes agricoles plus durables devrait donc prendre en compte cet impératif de végétalisation de nos repas.

Aussi, si vous ne l’avez pas encore fait, nous vous encourageons à manifester votre opposition à la loi Duplomb en apposant votre signature numérique sur cette pétition qui regroupe déjà presque 2 millions de signatures : https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-3014

Pour terminer, nous évoquerons brièvement notre inquiétude face au décret ministériel du 10 juillet dernier pris au sujet de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire et environnementale), après exclusion de ce point crucial des dispositions de la loi Duplomb. Nous estimons que les dispositions de ce décret sont de nature à mettre en péril l’indépendance de l’ANSES en soumettant ses analyses à des critères économiques et espérons que le recours auprès du Conseil d’État permettra de préserver le fonctionnement actuel (et indépendant) de cette agence.

Sohan Tricoire, Diététicien·ne et membre du Conseil Scientifique de l’ONAV

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