Accompagner la démocratisation des alimentations saines et durables

La crise alimentaire due à la guerre en Ukraine appelle à une action sur la demande : moins de produits animaux, moins de déchets et une politique agricole européenne plus verte

L’Ukraine et la Russie font partie des plus importants exportateurs mondiaux de céréales – blé, maïs et tournesol. La crise ukrainienne met en évidence le fait que nos modes actuels de production et de consommation alimentaire sont non durables et injustes. En réponse, nous devons renforcer – et non abandonner – la transformation vers un système alimentaire sain, juste et respectueux de l’environnement. Nous avons besoin de solutions globales qui apportent un soulagement à court terme tout en évitant la menace existentielle que notre système alimentaire fait peser sur la santé des personnes et de la planète.

Accéder à la déclaration.

Résumé

Le système alimentaire mondial est touché par la guerre en Ukraine, qui s’ajoute à la crise humanitaire et sécuritaire directement causée par l’agression russe. L’Ukraine et la Russie sont de grands producteurs de céréales et d’engrais, mais leurs exportations risquent d’être fortement perturbées. Les conséquences sont multiples : les consommateurs européens devront payer davantage pour leur panier alimentaire, les producteurs de viande européens paieront plus cher pour nourrir les animaux d’élevage et, dans certaines régions du Moyen-Orient et d’Afrique, l’augmentation des prix des céréales va gravement impacter la population. En effet, « pas moins de 25 pays africains importent plus d’un tiers de leur blé d’Ukraine et de Russie et 15 d’entre eux en importent plus de la moitié », souligne un rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) daté du 16 mars 2022.

Les impacts se font déjà sentir, et les prix des céréales atteignent des niveaux toujours plus élevés. Cependant, les responsables de la politique agricole ne devraient pas abandonner les pratiques agricoles durables dans le seul but d’augmenter la production de céréales, affirme une équipe de scientifiques. Ils proposent trois mesures clés pour faire face aux chocs. Dans une déclaration publiée le 18 mars 2022, ils soulignent qu’au lieu de se concentrer uniquement sur l’offre, par exemple pour l’alimentation animale, c’est le changement du côté de la demande qui peut conduire à un système alimentaire mondial à la fois plus résilient et plus durable.

« L’insécurité alimentaire mondiale n’est pas due à une pénurie de l’offre alimentaire. Elle est causée par une distribution inégale. Il y a plus qu’assez de nourriture pour nourrir le monde, même maintenant pendant cette guerre. Cependant, les céréales sont utilisées pour nourrir les animaux, utilisées comme biocarburants ou gaspillées au lieu de nourrir les personnes affamées », explique Sabine Gabrysch du Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), l’une des co-autrices. « Réduire la réglementation environnementale pour augmenter la production alimentaire ne résoudrait pas la crise. Cela nous éloignerait encore plus d’un système alimentaire fiable, résilient aux chocs futurs et offrant des régimes alimentaires sains et durables ».

Dans une déclaration signée par plus de 400 experts de plusieurs pays, les scientifiques proposent trois leviers pour faire face aux chocs à court terme tout en garantissant la santé humaine et le développement durable à long terme :

  1. Accélérer le passage à des régimes alimentaires plus sains, comportant moins de produits d’origine animale, en Europe et dans d’autres pays à revenus élevés, ce qui réduirait la quantité de céréales nécessaires à l’alimentation animale ;
  2. Augmenter la production de légumineuses et poursuivre le verdissement des politiques agricoles de l’UE, notamment pour réduire la dépendance à l’égard des engrais azotés et du gaz naturel en provenance de Russie ;
  3. Réduire la quantité de déchets alimentaires, puisque, par exemple, la quantité de blé gaspillée dans la seule UE équivaut à peu près à la moitié des exportations de blé de l’Ukraine.

D’autres mesures de court terme de la part des gouvernements européens devraient inclure l’octroi de fonds au Programme alimentaire mondial pour l’achat de céréales et le maintien de l’ouverture des échanges commerciaux, y compris le commerce alimentaire en provenance et à destination de la Russie, selon la déclaration. Les systèmes de sécurité sociale et les banques alimentaires devraient être renforcés dans toute l’UE afin d’éviter les effets néfastes de la hausse des prix des denrées alimentaires pour les ménages pauvres.

« Cette terrible guerre nous oblige à repenser les pratiques établies, en particulier dans le secteur alimentaire qui subit dès à présent les ondes de choc transmises par les marchés et causées par les perturbations en Ukraine et en Russie », déclare Marco Springmann de l’université d’Oxford, également coauteur de la déclaration. « Discuter des changements alimentaires pour faire face à la guerre est plus significatif qu’il n’y paraît à première vue. En fait, manger plus de végétaux et moins de viande pourrait rendre disponible davantage de nourriture, simplement parce que la production animale est inefficace. Nous pouvons et devons réagir à la crise à court terme de manière à pouvoir également nous attaquer aux crises à long terme du système alimentaire mondial ».

Florimond Peureux, Président de l’ONAV.

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